Cadeau

C’est officiel : Noël approche ! D’imposants sapins trônent au milieu des centres commerciaux, les rues sont illuminées de mille feux – et néons commerciaux. Comme chaque année, la ruée aux cadeaux de Noël ravit et angoisse à la fois, et quelles que soient nos appartenances politiques ou religieuses, il est rare d’y déroger. Pourquoi dépensons-nous autant, et de plus en plus d’argent pour les cadeaux de Noël ? Pourquoi cet aspect-là de la fête a-t-il pris autant d’importance ? D’où vient la magie des cadeaux de Noël ?

Marcel Mauss et l’économie de don

Le père de l’anthropologie française, Marcel Mauss, nous propose des pistes de réponse dans son presque centenaire Essai sur le don. À partir d’études ethnographiques effectuées notamment en Polynésie et dans le Nord-Ouest américain, Mauss estime que les sociétés humaines pratiquent le don au sein d’un système “donner – recevoir – rendre” dont le principal objectif est de créer et maintenir du lien social. En effet, “accepter quelque chose de quelqu’un, c’est accepter quelque chose de son essence spirituelle, de son âme.” Surtout, ce don m’oblige, et le déséquilibre qu’il crée établit un lien entre ceux qui donnent et ceux qui reçoivent.
Par conséquent, refuser de donner, de recevoir ou de rendre signifie rompre le lien, et peut conduire à la guerre. Au-delà des apparences de générosité ou de spontanéité des cadeaux, Mauss met donc à jour le système codifié de l’économie du don, qui caractérise selon lui les sociétés dites primitives.
 
 

Quelles significations peut-on donner aux cadeaux de Noël ?

Il y a donc plusieurs façons d’interpréter notre appétence pour les cadeaux de Noël.

Premièrement, c’est l’envie de transmettre une part de soi, de son “âme” – à ce titre, il n’est pas étonnant que le livre reste, année après année et malgré la fulgurante percée du numérique, le cadeau de Noël préféré des Français. Deuxièmement, ce système de don et contre-don, dans le cadre familial typiquement, oblige chacune des parties, année après année, à maintenir le lien social. Troisièmement, et si l’on prend comme modèle la pratique du potlatch, ces fêtes rituelles où un groupe montre sa puissance en exhibant sa richesse, la tradition des cadeaux de Noël pourrait également être vue comme une façon de mesurer les réussites. Enfin, on pourrait y voir une résurgence archaïque de l’économie du don, dont l’objectif ultime est la circulation des richesses, au sein de nos sociétés occidentales acquises à l’économie de marché, reposant sur la capitalisation.

Bref, si un cadeau de Noël vous déplaît ou vous encombre, point de scrupules : vous serez fidèle à l’esprit du don selon Mauss en le remettant en circulation !

 


Pour aller plus loin : Marcel Mauss, Essai sur le don (1923-1924).


Fanny Verrax, Docteur en philosophie

Fanny VERRAX

Docteure en philosophie

fanny.verrax@gmail.com

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